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2017-10-31 |
cr, conférence, crihn, numérisation, Matteo Treleani |
Aborder la question de l’accessibilité immédiate à distance, une question qui est lié au numérique mais pas seulement, mais aussi quelque chose de lié à la patrimonialisation. On peut voir la patrimonialisation comme une dimension du phénomène de l’accessibilité à distance.
Opéra de Lille, grand écran où rediffusion en direct des spectacles se déroulant à l’intérieur. Relocalisation en directe d’un spectacle, phénomène courant. Idem Trieste en Italie. On rediffuse aussi dans les cinémas les spectacles d’Opéra en direct comme on le fait à la télévision.
Pourquoi fait-on cela ? La première réponse est l’accessibilité. On veut rendre accessible un spectacle bourgeois, coûteux et on prétend démocratiser le spectacle au grand public en déplaçant le spectacle. Autre raison, le marketing, événementialiser le spectacle. Mais pourquoi le faire de la sorte ? La question de l’accessibilité ne suffit pas car pourrait très bien conduire une politique de réduction des prix. D’autant que la reproduction en directe n’est pas équivalente au spectacle lui-même. Plutôt symptomatique du désir de vouloir rendre accessible quelque chose à distance. Mais aussi d’un phénomène de la patrimonialisation, faire ressortir un objet.
Sait à quel point l'éphéméréité des choses pose un problème pour le patrimoine. Exemple du patrimoine culturel de l’UNESCO, concept eurocentriste critiqué, et création du patrimoine immatériel. Possibilité de sauvegarder les rituels. Dans de nombreux pays d’Afrique, la transmission ne se fait pas à travers des monuments mais des rituels et des savoirs faire. Pour le conserver, financer les associations, mais les enregistre. Dès lors changement car rituel pas reproductible et dynamique, une fois qu’enregistré sur un support acquiert une valeur patrimoniale, mais aussi une valeur d’accès.
Artiste de Street Art BLU, il y a deux ans mairie qui décide de décrocher les œuvres pour les reexposer au musée. L’objectif affiché étant celui de la patrimonialisation. Mais cela implique extraction et recadrage au musée pour les sauvegarder de l’œuvre du temps au motif de les rendre accessibles. On veut les montrer les rendre accessibles au travers d’un cadre institutionnel. La réponse de l’artiste a été d’effacer ses œuvres et de les détruire.
Toute la question est celle du cadre.
Autre exemples, maisons japonaise issue de Quizo dans la région de Nagano. Offerte par un ethnologue dans les années 80. Restée dans les magasins du musée de l’homme jusqu’en 2006 lorsque reconstruite par des maçons japonais à l’intérieur du musée. Les maçons japonais sont des patrimoines car ont le savoir faire. Plus présente en 2010. En tous les cas intéressant comme projet de patrimonialisation. Idée de rendre disponible ailleurs et à distance. Là encore, phénomène de la patrimonialisation comme accessibilité.
Or, phénomène qui est à mon sens lié à l’évolution des médias. D’une certaine manière on pourrait voir l’évolution technique des médias comme une tendance qui porte à l’accessibilité à distance des phénomènes. Cinéma lié à une logique de diffusion, puis télévision qui domestique l’objet audiovisuel, puis accès aux DVD et chaînes payantes, enfin internet et VOD. L’évolution des médias va bien vers l’accessibilité immédiate et à distance et le numérique simplement une logique qui rend plus efficace ce processus. Walter Benjamin en parlait déjà dans son texte sur la reproduction technique des œuvres d’art. Pour lui la réponse à la volonté de rendre les choses humainement et spatialement plus proche de soi, comme une volonté des masses.
rendre les choses humainement et spatiale ment plus proches de soi, c’est chez les masses d’aujourd’hui un désir tout aussi passionné que leur tendance à déposséder tout phénomène de son unicité au moyen d’une réception de sa reproduction.
Benjamin, 1936-39
Question de la localisation. Rendre près de soi. Cassetti sur la transmédiation d’un lieu artistique à un autre. Mais une question qui n’est pas seulement spatiale, mais temporelle. C’est la question de la disponibilité temporelle et instantanée. Tout doit non seulement être disponible, et accessible tout le temps. Tout, non seulement les objets, mais aussi le passé. On doit pouvoir accéder à quelque chose qui n’est plus là, cad au passé, et cela se fait par l’intermédiaire des archives. On assiste alors à une chosification du passé.
Mythe de tout patrimonialiser et de tout avoir disponible en tout le temps, un mythe de totalité de l’accès à des phénomènes qui ne seraient pas accessibles directement pour nous. Numérise l’archive non pas comme fin, mais comme moyen pour accéder au passé et pouvoir y plonger. Volonté de domestiquer et maîtriser nos souvenirs.
La question spatiale, quelque chose qui accélère les échanges. La possibilité d’effacer la distance spatiale permet d’accélérer les échanges. Un symptôme de l’accélération sociale (Hartmut Rosa), facilité qui implique une accélération. On peut pratiquer la recherche de manière beaucoup plus rapide. Pour Rosa accélération sociale liée à la technique mais de manière paradoxale. Car devrait avoir plus de temps et pas moins de temps. L’accélération technique ne devrait donc pas porter à une accélération sociale au contraire, et nous laisser du temps libre. Or, on contraire, cela s’accompagne d’une accélération sociale. Donc cela démontre que c’est bien une tendance sociale. On a une accélération du rythme de la vie. cf. Hartmut Rosa, Accélération. Une critique sociale du temps, La Découverte, coll. « Théorie critique », 2010, 474 p., EAN : 9782707154828.
Le désir de posséder le temps, ou le passé, n’est pas seulement une question liée aux industries culturelles. C’est quelque chose que l’on pratique tous les jours par exemple avec l’usage de la photographie pour capturer le temps. Avec l’argentique, souvent les événements particuliers qui marquaient la discontinuité du temps. Capture la dynamique temporaire pour les rendre présent. Aujourd’hui au contraire, essaye de tout enregistrer. Au point que regarde les images au lieu de regarder les événements. Voudrait avoir toute la continuité du temps. Système lié au partage, avec le numérique permet d’aller vers une totalisation du passé. Essaye de capturer le passé dans sa totalité. Exemple de black-out et pertes de toutes photos. Mais tendance vers capture totalisante.
Une fois que capturé le passé n’est plus passé, mais présent. Un présent continu. Un temps sans évolution, fixe, pas dynamique. Semble viser la carte à l’échelle 1/1 de Borges. Pour des raisons de contrôle des individus, mais aussi pour avoir le sentiment de contrôle du passé, de pouvoir l’administrer. Cette administration est manifestement quelque chose qui dépasse les souvenirs personnels. Utile dans la marchandisation, des institutions pouvant s’occuper et gérer notre passé collectif. L'accessibilité permettrait d’arrêter le temps et de les partager afin d’administrer et gérer beaucoup plus facilement le temps.
Or, dans le domaine du patrimoine, comme dans d’autres domaines, l’accessibilité n’est pas juste une question qui concerne les objets patrimoniaux, ceux-ci sont simplement des éléments qui permettent d’accéder à d’autres objets du passé. Dans tous les projets de recherche qui concerne le passé, nombreux projets de reconstitution 3D virtuels. Par exemple à Paris, borne installée par TimeScope place de la Bastille. Borne de réalité virtuelle qui permet de visualiser la place telle qu’elle était en 1789 avant la prise de la Bastille. Une autre place de l’hôtel de ville, et une à Charles de Gaule qui permet de voir le futur métro de Paris.
Dès lors que regardé cette image, donne une image très claire de l’image de place avant 1789. S’est interrogé sur l’image qu’avait du passé. Sans doute phénomène culturel lié aux lectures, etc. Aujourd’hui image très claire. On dira que probablement la même question pour un documentaire qui présente une reconstitution historique. Projet Bretez, Mylène Pardoen, projet de l’Université Lyon II. Un projet de reconstitution de l’espace sonore de la ville de Paris. Plonge le spectateur dans l’espace sonore de la ville. Très intéressant car des ruelles vides avec des sons. Décalage très important entre le son des gens qui parlent et les rues vides. Mais le projet offre une recontextualisation très intéressante car fourni les documents qui ont servi à la reconstitution. Un travail sur la distance. Quand on plonge dedans, pas quelque chose qui vise à nous plonger dans le passé mais qui au contraire nous éloigne du passé. Souligne le fait que reconstruit. De même que rues vides, et écouter gens qui parlent donne un effet de distanciation : on est conscient d’être un spectateur qui regarde un passé qui n’est plus disponible.
Un cas où vise à nous plonger dans l’altérité, alors que dans l’autre essayer de construire et imaginer un passé qui sera toujours différent du présent. Byung-Chul Han, sociologue sur la transparence, dans Dans la nuée dit que manque de la distance dans les échanges numériques. Tendance à l’immersion mais ce qui manque, la possibilité de prendre la distance et de percevoir le passé en étant conscient de l’impossibilité de le percevoir. Promesse de vivre le passé qui se cogne à l’impossibilité de le vivre. Sentiment d’étrangeté plutôt aliénant. Revenir à Benjamin à la distinction d’épisode qui laisse une trace, le vécu, et ceux qui sont de simples épisodes d’expérience. Aliénation liée au fait que la promesse serait celle de posséder le passé et d’en faire l’expérience alors que pas la notre.
David Lowenthal, The Past is a Foreign Country. Affirmait qu’aujourd’hui partiellement domestiqué le passé et amené dans le présent comme un bien que l’on peut monétiser. Mais en transformant le passé dans cette domestication, on efface la trace du passé, on le rend présent, et en fait on efface le passé. Pour Ginzburg, le passé se perçoit dans la distance du présent. Dans le moment où ressent un monde autre de celui dans lequel on est.
MVR Question du statut ontologique de l’objet. Est-on toujours dans la représentation ? Car des choses dans lesquels un accès immédiat, mais pas représentation. Plus d’original, la médiation devient l’original. D’un point de vue ontologique, est-ce que tu penses que cet effort de patrimonialisation fini par toucher le statut des objets eux-mêmes ou pas et leur représentation.
Pense qu’un passage dont Benjamin ne s’occupait pas car parlait de l’œuvre d’art. Voit ici très bien quel est l’objet. Mais le moment où on n’a plus l’objet. La médiation qui créée l’objet. Au départ pensait que la réalité virtuelle rien à voir avec mes objets de recherche, simplement une mode actuelle. Mais si la regarde dans la perspective de l’accessibilité immédiate à distance. Montre que ce à quoi voulait accéder le passé. La médiation simplement un moyen pour accéder au passé. Comme projet Albert Khan, sur la distance, désir totalisant. Immersion qui semble dépasser la médiation : immédiateté.
Nicolas, beaucoup utilisé le terme de symptôme. Cf. École de Franckfort, est-ce qu’il y a un mal à guérir ? quel remède ?
D’un point de vue méthodologique pourrait probablement retrouver symptôme contraire. Ne pense pas que peut retrouver un statut où mieux avant. La question des archives toujours été problématiques. Mais en même temps, pense que doit pouvoir critiquer ces phénomènes. Là où le pouvoir à lieu, les critiquer. Comme dans tous lieux où la technique est à l’œuvre. Ici la technique pas en cause, en analysant la technique peut voir des questions sociales ou problématiques.
Question du lien entre la distanciation et la multiplicité ontologique dont parlait Marcello.
Bien sûr un lien, mais n’utiliserait pas le terme ontologie et objet. Distance de quoi ? le passé c’est tout. Quand parle d’immersion place de la Bastille du mal à voir quel est l’objet. Car le passé d’un point de vue ontologique ce qui n’est pas, en tous les cas ce que l’on ne peut pas avoir.
Elizabeth : question de l’immédiateté qui se trouve dans le titre. Pas réussi à voir quel sens dans le contexte. Car toujours parlé de dynamiques essentiellement médiales. Paraissait comme un désir, comme une impression. Quelle valeur de l’immédiateté ici.
Deux significations, celle que tu évoque. Idée de la médiation transparence. Mais l’autre à laquelle je faisais référence au début, accessibilité à distance et immédiate au sens où rapide.
Oui mais proche et rapide, pas forcément immédiat.
Servanne : question de mémoire. Sontag expliquait déjà que si ne faisait pas des photos de famille, alors pas bons parents. Geste qui a aussi une fonction sociale. Photographie et mémoire qui n’ont pas la même signification. Photographie familiale, un geste médiatique qui n’a plus forcément à voir seulement avec la mémoire.
Salle : avec numérique, lessivage de la mémoire. Mémoire externe.
Duhamel parlant du cinéma disant que ses pensées remplacées par des images en mouvement.
Archive numérique aujourd’hui quelque chose d’hypermédiatique. Sert à construire le passé autant que le présent aujourd'hui.
Est-ce que l'archive n'a pas toujours construit le passé. Pas de différence de nature.
Fabrice : question des solutions dont parlait Nicolas, lorsque plus cette distanciation. Comment arriver à exprimer des points de vue différents sur des objets, complexification de l’expérience qui ne serait plus totalisante.
À mon avis, le problème pas de comment arrive, mais l’idée que l’on puisse y arriver. Exemple attentats où accusé le renseignement de ne pas avoir su repérer car privilégié illusion contrôle total avec big data sur le renseignement personnel. Changement de perspective. Idée de tout avoir qui est le problème, être au contraire conscient que l’on ne puisse pas y accéder.
MVR Quand archive et rend disponible des contenus, on produit des objets. Des actes de médiation qui produisent tout de le temps des objets. C’est pourquoi pense tout de même question ontologique. Se transforme en question morale, question de la qualité morale de l’objet. Une hiérarchie et une structuration des objets. Original, même pour le rite, idée d’un original, et d’une dimension artefactuelle.
Réponse : Pragmatiquement cela existe
Pas le régime du discours historique qui est utilisé mais plutôt un régime médiatique.
Everlo sur l’humanisme et distanciation par rapport au passé qui n’existait pas au Moyen-Âge. Pratiques des hommes de lettes et universitaires aujourd’hui. Me demande si pas en train de renégocier ces principes de la philologie et de la distanciation telle qu’elle s’est établie à la Renaissance. Comme si reprend en main un autre paradigme celui du présent continu, et ne prend pas cette rupture épistémologique en compte.
Injonction à rendre la science la plus accessible possible au public. N’est-ce pas davantage, volonté de diffusion